Les batteries au lithium-ion bouleversent le monde du recyclage dans toute l’Europe. Mais comment cela se fait-il ? Pourquoi présentent-elles un tel risque d’incendie ? Denuo a invité Dries De Sloovere, chef de projet R&D chez Imo-imomec, une collaboration entre imec et l’université d’Hasselt, au congrès sur les batteries du 6 novembre 2023 pour donner son point de vue académique sur ce type de batteries. Il travaille notamment sur le projet DESINe (Design & Synthesis of Inorganic Materials).
Il ne faut pas comparer et simplifier une batterie lithium-ion avec une autre batterie lithium-ion car au final, il s’agit d’un nom collectif pour une famille de nombreuses batteries dont la composition peut varier et, par conséquent, les dangers qu’elles représentent dans les activités de recyclage. Cependant, le concept de base est toujours le même. Les batteries lithium-ion se composent d’une cathode et d’une anode, séparées par un séparateur. Le séparateur est un film plastique mince et poreux, traversé par un électrolyte liquide (et inflammable). Il doit empêcher la cathode et l’anode d’entrer en contact, car cela pourrait provoquer un court-circuit.
Les matériaux utilisés comme cathode et anode ont connu un certain nombre d’évolutions au fil des ans. Si nous avons commencé à chercher un nouveau type de batterie, c’est parce que la densité énergétique des batteries plomb-acide et nickel-cadmium, par exemple, était limitée. Cette recherche a conduit les scientifiques vers le lithium, ce qui n’est pas surprenant : c’est le métal le plus léger avec un potentiel de réduction le plus faible. Le revers de la médaille est sa réactivité extrêmement élevée. La recherche s’est donc attachée à l’apprivoiser.
Si un court-circuit se produit à l’intérieur, il peut provoquer une spirale de réactions, la chaleur dégagée augmentant de plus en plus. Lorsque la température dépasse 130 °C, le séparateur commence à fondre. Tous les éléments sont alors réunis (oxygène, gaz inflammables et chaleur) pour une réaction catastrophique. Les batteries peuvent alors s’enflammer spontanément ou, dans certains cas, exploser.
La vitesse à laquelle cela se produit dépend de la vitesse à laquelle la chaleur peut s’accumuler. La cause de ce court-circuit initial joue un rôle important. Les candidats possibles sont soit la formation de dendrites (souvent due à l’utilisation d’un mauvais chargeur qui surcharge les batteries), soit un séparateur de qualité inférieure. Mais la cause numéro une reste la défaillance mécanique, comme les dents d’un broyeur qui cassent la batterie. Si la batterie est entièrement comprimée, une énorme décharge s’ensuit, libérant une grande quantité d’énergie. Les choses peuvent alors s’enflammer très vite.
Selon M. De Sloovere, les batteries lithium-ion ne sont pas plus dangereuses en soi que les autres, à moins qu’elles ne contiennent du lithium métal, mais cette époque est révolue. Toutefois, les batteries de demain devront faire plus pour contrer la réaction en chaîne qui se produit actuellement.
Il pense, par exemple, à des anodes qui ne libèrent pas d’oxygène, à des additifs ignifuges dans l’électrolyte, au développement d’une variante inflammable ou d’un électrolyte solide ainsi qu’à des séparateurs capables d’assurer l’arrêt thermique.
Les pistes ne manquent pas, ni le financement de la part de l’Europe. Mais la recherche qui bat son plein aujourd’hui ne débouchera sur des résultats concrets et commercialisables que dans une dizaine d’années. Un temps dont le secteur du recyclage ne dispose pas.